1966 : l’association imaginée par de Gaulle devient la Participation et une mise en oeuvre est annoncée pour la législature suivante

Nous poursuivons notre cheminement dans la genèse de la Participation créée en 1967. Fin 1966, la notion d’Association cède progressivement la place à celle de Participation.

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3e volet de notre série. L’extrait qui suit est issu d’une conférence de presse du 28 octobre 1966.

Il se trouve en archives audio et vidéo entre la minute 55 et la minute 64 de l’enregistrement dans les archives de l’INA :

Lien vers la vidéo de cette conférence de presse

Ci-dessous comme à l’accoutumée sa transcription écrite. On voit que l’édifice de l’épargne salariale a été pensé étape par étape à partir de 1959, date de création de l’intéressement, dans une logique d’association des salariés à la vie et à la valeur créée par l’entreprise, et a culminé avec  la création de la Participation. En 1965, à la suite de l’amendement Vallon accepté in extremis par le Gouvernement grâce au talent de conviction de ce député et au soutien de Gilbert Granval, Ministre du Travail de l’époque, et qui promet une loi pour le 1er mai 1966 « définissant les modalités selon lesquelles seront reconnus et garantis les droits des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actif des entreprises dus à l’autofinancement », il a installé une commission censée traduire dans la loi cette vision du partage dont il attend toujours le résultat.  En cette fin d’année 1966, de Gaulle a intégré les travaux de Loichot, polytechnicien et entrepreneur industriel, véritable théoricien de la Participation, qui lui ont été remis en 1961. Le sujet traîne, Vallon, qui a lu et diffusé avec Capitant les travaux de Loichot et considère que c’est LA solution, l’a convaincu. Alors il annonce le chantier de la Participation comme un de ceux qu’il confiera au Parlement en 1967, année d’élections législatives qui seront gagnées de justesse par l’UDR !

Transcription :

« Eh ! bien, il reste devant nous une question essentielle au premier chef. Comme elle est profondément humaine, économique et nationale, celle-là aussi commande notre avenir. Il s’agit de la condition des travailleurs au sein de l’activité économique dont ils font partie, que ce soit au niveau de l’industrie ou au niveau de la Nation. Je vais en parler, j’en parle, sans me lancer dans des considérations idéologiques ou doctrinales ni dans des déclarations émouvantes et grandiloquentes auquel le sujet se prêterait trop bien. C’est posément et me plaçant sur le seul terrain de l’intérêt général que j’évoquerai le problème aujourd’hui. A vrai dire on ne peut pas méconnaître qu’en ce qui concerne le niveau de vie et la sécurité des travailleurs, des choses importantes ont été faites déjà. La rémunération moyenne de chaque catégorie sociale s’élève à mesure de notre industrialisation. La sécurité sociale et les allocations familiales qui ont été créées par le gouvernement de la Libération, ont fortement atténué les angoisses, que la misère et la vieillesse, la maladie, l’infirmité, le chômage, ou bien la naissance des enfants, ou les soucis immédiats des parents à leur sujet, suscitaient naguère parmi tant et tant de gens, et la dignité de chacun et de chacune y a certainement trouvé son compte. D’autre part, bien qu’il y ait encore et qu’il y aura toujours beaucoup à faire pour le logement, l’aménagement des villes, des villages, des habitations, les hôpitaux, les maisons de retraite, l’organisation des loisirs etc. Il est clair que tout le monde maintenant tire quelque avantage de l’équipement social que nous développons d’un bout à l’autre du territoire. Mais il n’y a là qu’une participation passive d’un grand nombre pour un grand nombre, une participation passive à nos progrès collectifs. Le changement qu’il faut apporter à la condition ouvrière, c’est l’association active du travail à l’œuvre économique qu’il contribue à accomplir. Je sais bien qu’à cet égard-là aussi, dans cette voie-là aussi, quelques pas ont déjà été franchis. Bien que la réalisation n’en soit encore qu’à ses débuts, on peut même dire que le cap du principe et maintenant dépassé. C’est quelque chose en effet que d’avoir en 1945 institué les comités d’entreprise. C’est quelque chose que d’avoir par une loi de 1964 étendu leurs attributions. C’est quelque chose que d’avoir par une ordonnance de 1959 incité matériellement les entreprises à intéresser le personnel au bénéfice, au capital et à la productivité. C’est quelque chose d’avoir prévu dans la loi tout récemment que les travailleurs, dans certains cas, auront droit à une part capitalisée des plus-values du capital. Mais à l’échelon de la Nation aussi, c’est quelque chose que d’avoir inauguré la politique des revenus avec le cinquième plan, politique par laquelle les salaires s’élèvent en moyenne en même temps que le produit économique global. Je ne dis pas au même niveau ni à la même vitesse, je dis en même temps. Et vous savez ce que veux dire. Car il y a tous les prélèvements à faire subir pour toutes espèces de raisons qui font que le taux de l’un et le taux de l’autre ne peuvent pas être rigoureusement égaux. C’est quelque chose aussi, à l’échelon de la Nation, que d’avoir introduit les syndicats dans les instances qui élaborent les données économiques et sociales de la politique de l’Etat. C’est quelque chose que d’avoir organisé l’éducation nationale de telle sorte que désormais tous les enfants de France auront leurs chances complètes dans les études, depuis le début jusqu’à la fin. Mais il reste à fixer les voies et les moyens par lesquels, légalement, la part des travailleurs et du même coup leur responsabilité dans les progrès des entreprises seront définies étant donné qu’ils y ont participé, qu’ils y participent par leurs efforts et par leurs capacités. Il va de soi qu’une réforme pareille, qui consiste à bâtir ou plus exactement à achever un support nouveau de notre édifice économique et social, cette réforme ne saurait ébranler les deux autres piliers qui sont l’investissement nécessaire des capitaux pour l’équipement des entreprises, et d’autre part l’initiative et l’autorité de ceux qui ont à les diriger. Il va de soi, du même coup, que cette réforme comporte elle aussi à son tour des études, des choix et des délais. Mais il faut la vouloir, la décider et la déclencher. Voilà pourquoi j’ai dit aujourd’hui à ce sujet ce que j’avais à en dire. Voilà ce qui sera, au cours de la prochaine législature, entrepris par le président, le gouvernement et le parlement de la République »

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