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Comment expliquer la volonté de pérenniser la prime exceptionnelle de 1 000€ en pleine volonté de relance de l’intéressement contractuel ? Et surtout, comment rendre compatible ces deux mesures ?
Rappel des faits
Un des premiers acquis des travaux de la loi Pacte a été mis en œuvre avant même le vote définitif de cette dernière : depuis le 1er janvier dernier, la suppression du forfait social sur l’intéressement dans les TPE et PME jusqu’à 250 salariés a pour ambition de développer ces accords d’entreprise « gagnant-gagnant » d’association à la performance, dont la vertu n’est plus à prouver. Le gouvernement a même chargé un tandem (Thibault Lanxade / François Perret) d’une mission pour faire la promotion de la mesure et garantir l’atteinte de cet objectif.
Dans le même temps, l’effet « Gilets Jaunes» avait incité le Président de la République en décembre à mettre en œuvre une mesure temporaire permettant jusqu’à fin mars 2019 aux entreprises de verser une prime exceptionnelle exonérée de cotisations sociales et d’impôt pouvant atteindre jusqu’à 1 000€ par salarié.
Et voici que dans le paquet de mesures « Gilets Jaunes 2 » Emmanuel Macron annonce la pérennisation de cette prime.
Où est le problème ?
Il saute aux yeux : cette prime pérennisée (qui ne traitera pas le sujet du coût et du prix du travail dans notre pays) risque de cannibaliser la volonté de développement de l’intéressement, contrat d’association à la performance, avec les effets de bords suivants :
- Perte de substance du dialogue sur les objectifs et la marche des affaires que permet l’intéressement contractualisé entre les dirigeants et les salariés ou leurs représentants
- Perte de pédagogie économique dans chaque entreprise sur les leviers de performance
- Risque élevé de constitution d’un avantage acquis renouvelé sans conviction et sans impact sur le corps social
- Perte de potentiel pour l’épargne longue finançant l’économie
Alors comment mettre de la cohérence dans la politique publique correspondant à ces initiatives qui se télescopent ?
1/ La sagesse est au Sénat : il suffirait de réactiver une mesure votée par le Sénat dans Pacte mais retoquée en 2e lecture à l’Assemblée Nationale. Cette mesure introduisait la possibilité pour une entreprise de mettre en œuvre un accord d’intéressement classique sur 3 ans précédé d’un versement initial unilatéral de l’employeur de 1 000€ maximum pour amorcer la pompe.
2/ Une mesure complémentaire consisterait à dire que cette prime prend la forme d’un supplément d’intéressement unilatéral quand l’intéressement existe déjà dans une entreprise, en modifiant à la marge le fonctionnement du supplément d’intéressement. En effet ce dernier ne peut aujourd’hui être déclenché par l’entreprise que si le jeu normal de l’accord a déclenché au moins 1€ de prime globale (pas de supplément si intéressement normal = 0). On pourrait dire que le supplément d’intéressement est possible jusqu’à 1 000€ si un accord d’intéressement existe, même s’il ne s’est pas déclenché l’année considérée.